Chronique d'une guerre annoncée 

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Professeur Khalifa Chater

vice-Président de l'AEI, Tunis.

 

2002

Juin 2002

Juillet - Septembre  2002

Octobre -  Décembre 2002

2003 Janvier - Mars 2003

14 Mars - 22 Mai 2003

Juin - Octobre 2003

Novembre-Décembre 2003

2004 Janvier - Avril 2004 Avril - Juin 2004 Juillet - Septembre 2004 Octobre - Décembre 2004
2005 Janvier - Mars 2005 Avril - Juin 2005    

 

Avril - Juin 2004

Guerre et paix en Irak  ?

“Aucun Etat ne doit s'immiscer de force, dans la constitution et le gouvernement d'un autre Etat. (Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle, 1795).

 

 Ultime différence notoire avec l'ère de la dépossession coloniale, du XIXe siècle, le gouvernement américain a cru pouvoir légitimer l'invasion de Irak, par la doctrine de l'ingérence humanitaire et la lutte contre le terrorisme. La tournure des événements, devait, cependant, mettre en question l'argumentaire de la guerre et expliciter ses vraies raisons, à savoir la "pacification" de l'ensemble de l'aire moyen-orientale, la re-structuration de sa carte géopolitique et le re-équilibrage des pôles de décision  dominants, en relation avec les nouveaux rapports de forces. La prise de possession de l'Irak ou du moins sa soumission ne constituait pas un but en soi.. "L'initiative pour le Moyen-Orient élargi" révélait l'ampleur des ambitions de la nouvelle politique, engagée par le parti des néo-Conservateurs, conjuguant ses intérêts avec une alliance organique bien établie.

Se mettant à l'école britannique, le gouvernement américain remet à l'ordre du jour la stratégie d'expansion, par la privilégisation de la carte irakienne.  Province la plus militarisée de l'empire ottoman, l'Irak fut, en fait, la pièce maîtresse de la stratégie britannique au Moyen-Orient. Derrière la façade mythique du Chérif Hussein, investie pour diriger la révolte arabe de 1916 et occupant officiellement l'avant-scène des manœuvres, le centre irakien était le principal acteur de la scène moyen-orientale. Placé sous mandat britannique, de 1920  à 1932, l'Irak fut, depuis lors, le  partenaire privilégié des Britanniques. Il fut, à ce titre, l'un des pères fondateurs du Pacte de Bagdad,  alliance  de mutuelle défense, conclue entre  la Turquie, l'Iran, le Pakistan et la Grande Bretagne (24 février 1955). Mais la révolution de 1958 et la chute du roi Fayçal, privèrent la Grande Bretagne de la carte irakienne.  D'une certaine façon, "l'initiative américaine pour le Moyen-Orient élargi" est un remake du Pacte de Bagdad, assaisonné par l'idealtype libérale et une adaptation laborieuse au nouveau contexte. Mais est-ce que la domination coloniale et l'usage des sévices qu'elle implique pouvaient servir de modèles de bonne gouvernance ? Fait établi, la coalition occupant l'Irak a mis à l'ordre du jour les procédés vexatoires des systèmes coloniaux d'antan, les mesures discriminatoires de l'apartheid de l'Afrique du Sud et d'Israël, se mettant au-dessus des lois, légiférant en toute illégitimité[i]. Dénoncés par la presse américaine et britannique, ces sévices ne pouvaient être démentis. Nous y reviendrons.

 

9 avril 2004 : Premier anniversaire de la chute  du régime de Saddam Hussein. “Le couvercle de la marmite a sauté”, reconnaît humblement Jack Straw, le secrétaire au Foreign office. En fait, l'Irak est au bord du chaos. Effectuant une opération punitive, «l'opération détermination de fer», après le lynchage de quatre agents de sécurité américains, le 22 mars,  les Marines ont investi la ville de Fallouja, l'ont assiégée et soumise à un bombardement intensif. L'offensive lancée contre la ville martyre, le 5 avril, s'est soldée par 450 morts et un millier de blessés. Déjà engagée dans de violents affrontements dans le «triangle sunnite», l'armée américaine ouvrit un nouveau champ de bataille, à Fallouja, suscitant un vaste mouvement de solidarité, en Irak. Simultanément, l'armée américaine prit l'initiative d'engager la lutte avec le chef  chïte, Moktadaa es-Sadr, reprochant à son journal «al-Haowzah» de réclamer la fin de l'occupation. La décision prise d'arrêter le militant chïte mit le feu aux poudres.  L'insurrection gagna les principaux pôles du chïsme, où ses partisans ont formé la milice (Jaiche al-Mehdi.). La coalition perdit le contrôle des grands centres urbains du Sud. Fait incontestable, les sunnites et les chïtes sont désormais unis contre l'occupant. L'armée de la coalition qui fait face à un front populaire se trouve en situation d'apesanteur. Point de ralliement mais un rejet, tous les acteurs de la scène moyen-orientale doivent en prendre acte.

 

15 avril 2004 : Recevant, le  14 avril, le premier ministre israélien, Ariel Sharon, le Président  Georges W. Bush  s'empressa de faire l'éloge de sa politique, limitant les enjeux à la bande de Gaza et déniant le droit de retour établi par l'ONU. “L'acte historique et courageux” permettrait à Israël de “créer une nouvelle et meilleure réalité”, de consacrer l'occupation coloniale et de remettre en cause le droit des réfugiés. Est-ce que la nouvelle réalité sur le terrain du Moyen-Orient, permettait de dénoncer, de fait, «la feuille de route»  après la mise en échec du processus d'Oslo» ? La déclaration du 14 avril rappelait, d'une certaine façon, la déclaration de Balfour de 1917. Elle présente la guerre du Moyen-Orient, sous un nouvel éclairage. Or, la question palestinienne constitue pour l'instauration d'une ère de paix et d'entente, une condition Sine Qua None. Mauvaise conscience de l'humanité, alimentant des frustrations, dont on peut difficilement évaluer les effets d'entraînement, elle peut être difficilement remise aux calendes grecques. 

 

21 avril 2004 :  Les combats font rage en Irak. L'armée de la coalition est sur le qui-vive. Elle est en réalité mise en déroute. Conjuguant les opérations d'assaut et de repli, elle réalise que ses fameux soutiens - les mouvements off shore des salons de l'exil - n'ont aucune assise populaire. Ils furent, d'ailleurs, bien décridibilisés par leur situation, en hors jeu, dans le processus de prise de décision. Ce qui explique leur désarroi devant les tragédies que vit leur peuple. La décision prise par l'Espagne de retirer ses troupes, à partir du 19 avril a eu ses effets d'entraînement sur certains pays d'Amérique latine. Les prises d'otage ne pouvaient que susciter l'inquiétude des pays de la coalition,  alors que leurs troupes sont l'objet d'un harcèlement quotidien, en dépit des rapports de forces asymétriques. Mais le terrain joue contre eux. La nouvelle politique qui consiste à enrôler la hiérarchie militaire du régime défunt, semblait destinée à mettre les troupes irakiennes à l'avant-garde, protégeant ainsi les armées américaines. Mais ces figurants-cibles peuvent difficilement se prêter à ce jeu, qui les met hors de la communauté nationale. Une vraie mobilisation irakienne implique la responsabilisation des nationaux, dans le cadre d'une reprise en main des affaires et d'une restauration de la souveraineté populaire . Mais nous n'en sommes pas là. 

 

1er mai 2004 : Relayée par les chaînes arabes al-Jazirah et al-Arabiya, CBS diffusa, le 28 mai, les photos d'Irakiens, humiliés et torturés, dans la prison d'Abou Gharib. On devait, par ailleurs, apprendre, que CBS avait dû retarder pendant deux semaines la diffusion de ces images, après discussion avec les autorités américaines. Le scandale éclata et éclaboussa l'Establishment américain. Un article de la revue New Yorker devait confirmer cette triste réalité, en évoquant le rapport du général Antonio Taguba, chargé de diriger une enquête interne, fin janvier 2004. Diffusées en boucles par les télévisions, ces images ébranlèrent l'opinion américaine et discréditèrent les nouveaux maîtres de Bagdad. Soucieuses de circonscrire le scandale, les autorités américaines affirmaient qu'il s'agissait de dérapage, d'abus de pouvoir commis par “un petit nombre de soldats”  faisant remarquer qu'ils n'étaient pas informés des images et du rapport[ii] . On pensait dépasser la crise, en déférant devant les tribunaux quelques tortionnaires. Mais le scandale prit de l'ampleur, dans la mesure où il révélait que l'intervention américaine transgressait les principes moraux, qu'elle prétendait défendre. Or, l'opinion américaine n'admettait pas cette occultation de l'éthique. Plus qu'une vague de surface, l'affaire  prenait la dimension d'une lame de fonds qui devait bouleverser l'Establishment américain. Comment rétablir les équilibres fondateurs du politiquement correct

9 mai 2004 :  Les révélations qui déferlent depuis le 28 avril attestent que les faits dénoncés ont été longtemps tolérés et volontairement ignorés. Les alertes sur le traitement des prisonniers de Ghantananamo (16 janvier et 9 novembre 2002), l'Afghanistan (12 février, 26 décembre 2003, 8 mars 2004) et l'Irak (30 juin 2003, 13, 19, 21 janvier 2004), le rapport d'Amnesty International de mars 2004 etc.) auraient dû susciter une rapide réaction des autorités américaines. L'administration américaine a, il est vrai, chargé le général Antonio Taguba  de mener une enquête informelle sur les opérations de détention et d'internement de la 800e brigade de PM du 1er novembre jusqu'à présent. Mais son rapport accablant, remis aux autorités supérieures, le 3 mars dernier, n'a pu provoquer un ressaisissement des autorité, pour traiter cette question si grave. Le rapport évoque l'utilisation des chiens militaires, les bastonnades, la mise à nu des hommes et des femmes, l'obligation de porter des sous-vêtements féminins, les viols etc.  Il a été établi, affirme le rapport :

 

“que d'octobre à décembre 2003, au centre de détention d'Abou Ghraib, de nombreux cas de mauvais traitements criminels, sadiques, flagrants et dégradants ont été infligés à plusieurs détenus. Ces traitements systématiques et illégaux des détenus ont été perpétrés intentionnellement par plusieurs membres de la force de surveillance de la police militaire.[iii]

 

Remis aux autorités américaines en février 2004, évoquant des faits établis et relatés aux autorités américaines, “à différents moments entre mars et novembre 2003”, le rapport du CICR énonce cette grave conclusion : “Nous avions affaire à un vaste schéma, pas à des actes individuels. C'est un schéma et un système[iv]” On devait, par la suite, apprendre que l'armée américaine se déchargeait, par le recours à des sociétés privées. Les spécialistes américains et anglais auraient été initié aux techniques utilisés dans un centre conjoint à Ashford, dans le Kent (Sud-Est de l'Angleterre). Ce qui explique, d'ailleurs, l'usage de procédés similaires par l'armée anglaise[v] et peut-être par l'ensemble des troupes de la coalition "humanitaire". La guerre a ainsi livré les populations civiles aux pires sévices. Nous savons que la recherche de renseignements, auprès d'un peuple conquis et hostile institue la torture. Ce qui atteste que les faits scandaleux commis en Irak, lors des arrestations, dans les prisons, mais aussi dans la vie quotidienne ne sont pas de simples dérapages, des excès d'hommes de troupes. Ils sont, vraisemblablement inhérents au système colonial. .

 

 12 mai 2004 : Est-ce que la décision du Président Bush  d'interdire les exportations américaines à la Syrie, annoncée hier, s'inscrit dans la stratégie américaine  de refaçonnage du Moyen-Orient, par l'identification d'une nouvelle cible ? Nous ne le pensons pas. Une mobilisation militaire d'envergure contre un pays non-pétrolier peut être difficilement défendue, auprès des grandes sociétés multinationales. Une telle absence d'enjeu ne peut que réduire la marge de manœuvre de l'Establishment américain. Le rappel du contentieux syro-américain - idéologisé durant cette conjoncture tragique - relèverait plutôt de la quête d'expédients. Dans ce contexte de leur “splendide isolement”, les membres de la coalition ne semblent pas disposés à engager une nouvelle expédition punitive, fut-elle souhaitée par l'équipe de Sharon ! Il faut prendre la mesure des effets du scandale des tortures sur le discours justifiant la guerre.

 

 13 mai 2004 : Le voyage - éclair de Donald Rumsfeld, mercredi 12 mai, à Bagdad ne pouvait que surprendre. Alors que le Pentagone est soumis à de vives critiques, à la suite de l'usage  de la torture dans les prisons irakiennes, ce voyage s'expliquerait, peut-être, par une volonté "d'éteindre le feu", ou du moins de le circonscrire. Or la communauté internationale aurait préféré plutôt une identification des responsabilités, au sein de la hiérarchie militaire et des chaînes de commandements car les photos, les témoignages et les documents vidéos attestent que l'usage de la torture était trop fréquent pour constituer des bavures ponctuelles et exceptionnelles. Qui est responsable de l'institution de ce système dégradant, de ces pratiques hors normes qu'on avait jadis condamnées ?  Pour sauver la morale de l'Amérique, re-actualiser les principes fondateurs de sa démocratie, la condamnation sans appel des responsables de la dérive constituerait l'unique mesure salutaire. Il faudrait, d'urgence, revenir aux valeurs et aux références humanitaires que les Etats-Unis ont érigées en postulat. Le lever de bouclier de l'opinion américaine, sa dénonciation sans réserve de la torture, nous confortent. Cette recherche du sens, occultée par l'aventure irakienne, doit être reprise en considération. Elle est à l'honneur des bâtisseurs de l'Amérique. Comment remettre à l'ordre du jour les leçons de l'éthique des pères fondateurs ?

 

Cette escalade dans l'horreur devait, hélas, gagner les protagonistes. Or, rien ne peut justifier la décapitation filmée d'un otage américain. Cet acte de barbarie doit être aussi solennellement dénoncé. Les traitements immoraux desservent les meilleurs causes. Pourquoi avait-on ouvert la boite de Pandore ?  Le mauvais traitement de la question du terrorisme international, par la guerre d'Irak a conforté les options extrêmes, fait échec à la culture de la paix, instauré des frontières entre les peuples, remis en cause la volonté de vivre en commun. Est-ce que les auteurs de la guerre des civilisation sont conscients des effets dévastateurs de leur idéologie totalitaire et anachronique, qui a érigé l'homme en ennemi de l'homme ?

 

14 mai 2004 : Au cours de son intervention au Sénat, le 7 mai, Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, présentait son analyse de la situation, sinon son diagnostic :

 

“Nous fonctionnons dans une situation de guerre avec des contraintes édictées en temps de paix, à l'âge de l'information, quand tout le monde se promène avec des appareils numériques et prend ces photos inimaginables et, ensuite, les fait circuler dans les médias, au mépris de la loi, à notre surprise, alors qu'elles ne sont même pas encore arrivées au Pentagone[vi]”.

 

Est-ce à dire qu'il faut détruire le thermomètre plutôt que de traiter l'accès de fièvre qu'il signale. On aurait dû plutôt se féliciter de la publication de ses photos, qui permettent de mettre fin aux abus et de moraliser la gestion des affaires, selon les règles consacrées par le référentiel américain des droits de l'homme. Nous saluons, quant à nous, le développement des techniques de l'information qui permettent de conforter les témoignages des témoins et des victimes et font échec à tous ceux qui veulent confisquer l'information et être à l'abri des critiques.

 

15 mai 2004 :  La réunion des Ministres des affaires Etrangères du G 8, à Washington, semble annoncer une esquisse de changement de la politique extérieure des Etats-Unis et peut-être une atténuation de son option monopolaire. Dans ce cadre, le re-examen collectif de l'initiative américaine pour «le grand Moyen - Orient» et son enrichissement par l'addition des questions de la Palestine et de l'Irak qu'il a occulté, mérite d'être signalés. Ce retour à la case départ, impliquant la création de l'Etat palestinien et l'évacuation des territoires occupées, doit être soutenu. Mais nous connaissons, hélas, l'abandon fréquent des grands principes, lors des campagnes présidentielles, où l'on ménage les fameux lobbies. La reprise du dialogue américano-palestinen, annoncé au niveau de Condoleezza Rice et du Secrétaire d'Etat Colin Powel, pour la semaine prochaine, peut être de bonne augure. Or, la dernière rencontre du Président Bush avec l'ancien premier ministre palestinien Mahmoud Abbas a eu lieu le 25 juillet 2003. Depuis lors, le son de cloche sharonien est devenu dominant et exclusif.

 

La perspective - fut-elle théorique ! - d'une évacuation des troupes américaines de l'Irak, dans le cas improbable d'une demande explicite de son nouveau gouvernement, évoquée hier par  Bremer à Bagdad et Collin Powel, à Washington, au cours de la conférence de presse, clôturant les travaux de la réunion du G 8 des ministres des affaires étrangères annoncerait des temps nouveaux. On commence à se rendre compte que l'unique issue est politique et non militaire. Pour le bien de tous, il faut décharger les troupes américaines de la gestion directe ou indirecte de l'Irak, qui les considère comme des occupants illégitimes et peu respectueux de l'éthique de la bonne gouvernance. Leurs affrontements quotidiens avec les troupes du chef chïte Moktadda es-Sadr accusent leur isolement au sein du pays. Il faut voir courageusement la réalité en face, pour épargner les vies irakiennes et américaines.

 

 24  mai 2004 : Conjoncture difficile pour le Sommet arabe qui s'est réuni à Tunis (22-23 mai). Dans les territoires occupés, la communauté internationale assiste impuissante au génocide du peuple palestinien. Ce fait est attesté par le témoignage du ministre israélien de la Justice, Yosef Lapid, dirigeant du parti centriste et laïque Shinui, qui commenta les destructions systématique des maisons par l'armée d'occupation: “J'ai vu, dit-il, une vieille dame cherchant à sauver ce qui était sauvable dans les ruines de sa maison, à Rafah... Elle m'a fait penser à ma grand-mère qui a été chassée de chez elle par l'holocauste[vii]”. En Irak, l'affrontement entre la résistance et l'armée de la coalition a fait plus de 1000 morts et 2000 blessés, depuis le 1er mai 2004[viii] alors que les feuilletons de scènes de torture des prisonniers, en Irak, ont bouleversé l'opinion publique arabe.

 

Réuni dans ses conditions, le Sommet devait faire face à ce défi civilsationnel, rappeler les grands principes de droit, prendre position sur les questions de l'heure et exprimer la volonté communautaire arabe. Tout en tenant compte des rapports des forces, en se souciant davantage de l'efficacité, la déclaration de Tunis a eu le mérite de faire valoir l'éthique de la responsabilité et de définir les postulats de la solidarité communautaire. Cette stratégie réaliste peut être révolutionnaire si elle bénéficie d'un consensus dans sa réalisation et son suivi. La gravité de la conjoncture ne peut s'accommoder ni de discours utopiques ni de déclarations symboliques. Mais la solidarité arabe identifie les lignes rouges qu'on ne doit plus transgresser. Le salut est à ce prix. Autre fait important, l'étude d'un projet de réformes susceptibles d'assurer le redressement arabe. L'idealtype défini par la déclaration de Tunis ouvre de larges horizons, que la pesanteur traditionnelle ne doit pas occulter.

 

28 mai 2004 : Le  projet de résolution présenté lundi 24 mai, par les Etats-Unis et la Grande Bretagne, aux Nations-Unies, pour appuyer «le transfert de la souveraineté à une administration (nationale)» ne semble pas répondre aux vœux de la communauté internationale, en quête d'une solution politique de la question irakienne. Il limite la souveraineté populaire, lui ôtant ses prérogatives en matière de sécurité et de gestion des ressources du pays et particulièrement le pétrole. Est-ce que  l'Establishment américain songe à remettre à l'ordre du jour une stratégie de sortie (exit strategy) ? Des observateurs pessimistes estiment qu'on en est pas encore là et que leur statégie recherche plutôt l'appui de la communauté internationale, sans perdre les dividendes de la guerre. Mais ne faut-il pas prendre la mesure du choc des citoyens américains, mis au courant de la dérive de leur corps expéditionnaire. L'attachement des Américains aux valeurs humaines ne tolère pas de telles transgressions de ce qu'ils considèrent comme leur éthique, leur postulat référentiel. Ils peuvent conforter le processus du changement  alors que le monde arabe est en état de syncope. Fait nouveau, de larges couches de la population américaine prennent conscience de l'ampleur de la tragédie arabe en Irak et en Palestine, de la réprobation de l'opinion européenne et du développement de la contestation générale d'une certaine gestion unilatérale du monde. 

 

Les nouvelles livraisons américaines, écrites bien avant la publication des scandales des tortures, expriment des inquiétudes, remettent en cause l'argumentaire de la guerre et dénoncent les options bellicistes. Zbigniew Brzezinski affirme : “La crédibilité militaire globale de l'Amérique n'a jamais été aussi grande; cependant sa crédibilité politique globale n'a jamais été aussi faible[ix]”. Rejetant l'approche officielle, il  estime qu'on ne fait pas la guerre à une tactique; mais qu'il faut s'attaquer aux conditions politiques ayant permis son émergence[x]. Autre contestataire, Robert Kagan accorde aux Européens “un droit de regard sur l'usage que l'Amérique fera de sa puissance, à condition, naturellement que ce droit s'exerce avec mesure[xi]”. Plus critique, Lewis Lapham  remet en cause la thèse de la menace de l'Irak, pays soumis à une souveraineté limitée et à un embargo économique[xii]. Je ne m'attarderais pas sur les œuvres courageuses de Ted Stanger, ancien correspondant de Newsweek[xiii], de Wesley Clark, ex-candidat à l'investiture démocrate pour la présidence des Etats-Unis[xiv], à William Blum, un ancien du Département d'Etat[xv]. Acte d'exception, le mea culpa du New York Times, le 26 mai, regrettait ses précédentes prises de position en faveur de l'engagement militaire en Irak. La participation de ce journal à la campagne pour la réhabilitation des droits bafoués et sa dénonciation des tortures est à son honneur et à l'honneur de l'ensemble du peuple américain, otage et victime de ceux qui ont voulu démentir son humanisme.

 

31 mai 2004 : “Sanglante prise d'otage”, durant ce week end à Khobar, en Arabie Saoudite. Des intégristes ont attaqué samedi le siège d'une compagnie de pétrole. Une cinquantaine de personnes ont été prises en otage. L'assaut des forces de l'ordre a permis leur libération. Mais l'affrontement s'est soldé par la mort de 22 personnes. Foyer de tension, depuis la première guerre d'Irak et l'installation de troupes américaines, le pays a été l'objet de nouvelles attaques intégristes, depuis l'attentat à la bombe, dans la caserne des Khobar Towers, à Dharan, près de Khobar (19 soldats américains tués). Simple coïncidence ou conséquence directe, depuis la dernière guerre contre l'Irak, les opérations terroristes devaient se succéder, soumettant le pays à rudes épreuves. La dernière opération semblait s'en prendre aux ressources économiques du pays.

 

Outre les mesures sécuritaires et judiciaires, le traitement d'une telle dérive requiert des solutions politiques urgentes et d'abord l'adoption de réformes globales incluant la révision audacieuse des programmes d'enseignement en vigueur. En application du discours wahhabite, l'enseignement favorise une certaine vision passéiste, ne tenant pas compte des mutations historiques et des défis contemporains. Ce qui montre la nécessité  d''adopter d'urgence une réforme radicale de cet enseignement générateur d'intégrisme, par une mise en valeur du concept de l'Ijtihad, une large ouverture sur les civilisations et une remise à l'ordre du jour des programmes de modernisation.  Il faudrait, en quelques mots, assumer l'humanisme musulman, qui a brillé durant les ères de grandeur arabo-musulmane, à Damas, Bagdad, Kairouan, Le Caire, Cordoue et Séville. 

 

4 juin 2004 : La désignation le 1er juin 2004 d'un chef de tribu, le sunnite Gazi Yaouar, Président  de l'Irak, complète la formation du gouvernement, appelé à assurer le transfert du pouvoir. Précipitant les événements, les nouvelles autorités ont été aussitôt investis, sans même attendre la date de transmission officielle de la souveraineté, le 30 juin. L'empressement des Etats-Unis à reconnaître ce gouvernement, qu'ils ont contribué à former, en association étroite avec le Représentant du Secrétaire général de l'ONU, Lakhdar Brahimi, attestait sa volonté de reconstruire un compromis avec la communauté internationale, tout en recherchant une voie de sortie diplomatique. L'appui du Secrétaire Général de l'ONU révèle son souci de favoriser une dynamique de mutation, re-intégrant l'ONU dans le règlement de cette grave affaire. Mais les différents acteurs, sur scène, les puissances régionales, les pays arabes et tous les partenaires  doivent conforter leur soutien, sinon leur alignement sur l'option adoptée, par  la définition d'une politique de normalisation de l'Irak, assurant la restauration de sa souveraineté et l'évacuation, dans les meilleurs délais, des troupes d'occupation. Les scandales de la «pacification coloniale» rendent, en effet, impossible, pour longtemps, le rétablissement de "la confiance réciproque". Notons, d'autre part, que la prise en compte des données confessionnelles peuvent fonder un consensus conjoncturel, qui doit être conforté par des élections libres, Le discours du Nouveau Président, lors de son installation, revendiquant “une souveraineté intégrale par le biais du Conseil de Sécurité, afin de reconstruire une patrie libre, indépendante, démocratique et fédérale”, apparaît comme un vœux pieux, vu les rapports de forces sur le terrain et l'état de dépendance effective du nouveau gouvernement. La communauté internationale devrait assurer la satisfaction de ces revendications élémentaires par une motion formelle du Conseil de Sécurité, pour empêcher l'établissement d'un régime de tutelle anachronique.

 

10 juin 2004 : Victoire à la Pyrrhus ou reconnaissance réaliste du fait accompli, le Conseil de sécurité, a adopté, mardi 8 juin, à l'unanimité, la résolution anglo-américaine organisant le transfert de souveraineté au gouvernement irakien ?  En dépit des apparences, le consensus a été le fruit laborieux de longues discussions, qui ont été conclues par de nombreuses concessions américaines. Il atteste, d'autre part, la volonté de la communauté internationale de construire un compromis, pour “enclencher un processus de stabilité” ?  L'introduction de l'ONU - fut-elle, jusqu'à présent symbolique ! - constitue une promesse d'avenir, pour relayer l'occupation et instaurer un Etat de Droit.  Il faudrait, à tout prix, mettre fin à l'état d'insécurité et écarter la menace de la guerre civile. Acte de raison, l'accord onusien doit consacrer le retour au multilatéralisme, dénoncer la guerre des civilisations, créer les conditions d'une normalisation. Mais la reprise du dossier par les Nations-Unies doit permettre d'assainir l'atmosphère, d'assurer la libération de l'Irak et de redonner l'initiative exclusive à ses acteurs.  Les correctifs introduits par le G 8, à l'initiative américaine du «Grand Moyen-Orient» expriment des réserves significatives. En fait, le discours utopique d'un idealtype américain, pour servir de vitrine à l'occupation et aux velléités d'hégémonie qu'elle annonce, a été redimentionné sinon abandonné aux vestiaires. Il s'agit d'un grand "soufflet qui est retombé". Mais est-ce à dire, qu'on peut faire le pari sur un retour à la lucidité, pour mettre fin à la tempête ?

 

16 juin 2004 : “La nécessité peut justifier des méthodes qui violeraient (la loi)”, cette conclusion du mémorandum du ministère américain de la justice du 1er août 2002 ouvrait la voie à toutes les dérives et pouvaient faciliter les graves transgressions, telles les violations des droits de l'homme, commises dans les prisons irakiennes, par les geoliers américains, des officiels ou des privés. Le mémorandom[xvi] affirme même que “certains actes peuvent être cruels, inhumains ou dégradants et, cependant, ne pas provoquer une douleur ou une souffrance de l'intensité requise pour tomber sous le coup de l'interdiction de la torture”. Curieuse définition de la torture, non plus par son atteinte au droit de la personne, mais par le niveau de souffrance qu'elle provoque ! Oubliant les leçons d'un passé glorieux, reniant les principes énoncés par les pères fondateurs, les rédacteurs de ce manuel  dérogent la loi et son esprit. Nous revenons, ainsi, à la loi de la jungle où la fin justifie tous les moyens. Saluons, dans de telles circonstances, le courage de certains soldats  américains, appartenant au renseignement militaire qui ont vainement alerté leurs supérieurs, des le mois de novembre 2003, des sévices imposés aux prisonniers irakiens[xvii].

 

17 juin 2004 : “Les défis du XXIe siècle ne peuvent être résolus par la force militaire ni par l'unique superpuissance encore existante”, cette analyse de la situation, par vingt-six diplomates et militaires de hauts rangs américains, mérite d'être méditée[xviii]. Démocrates, républicains ou indépendants, ces "intellectuels organiques", les signataires ont dénoncé l'approche des Néo-Conservateurs, adoptée par l'Establishment américain, critiqué l'engagement dans une guerre “coûteuse, mal préparée et dont l'issue est incertaine” et remis en cause la justification de “l'invasion de l'Irak, par la manipulation de renseignement douteux sur les armes de destruction massive et par une campagne cynique visant à persuader l'opinion que Saddam Hussein était lié à la Kaïda”.  Ils rejettent la stratégie unilatérale, “motivée davantage par l'idéologie que par une analyse raisonnée”. De telles analyses revèlent un autre côté du miroir, une approche plus soucieuse de faire valoir une autre image, en mettant en valeur l'humanisme américain, justifiant le leadeship par la défence du droit, de la justice, de la sécurité et de la paix.

 

Citons, à ce props, l'analyse de Madeleine Albright, ancienne Secrétaire d'Etat de Bill Clinton, qui énonce, lors d'une conférence démocrate, à Dallas, le 14 juin,  cette vérité audacieuse : “La guerre d'Irak était une guerre de choix et non de nécessité”.

 

25 juin 2004 : A moins d'une semaine du transfert de souveraineté aux Irakiens, l'Irak a vécu sa journée la plus meurtrière : 85 morts et plus de 300 blessés.  Les attentats-suicides et les attaques armées ont eu lieu dans les villes du traiangle sunnite, mais aussi à Moussoul, au Nord du pays et à Bagdad.  Ces faits de résistance, fussent-ils  soutenus par des intervenants externes, attestent qu'un grand nombre d'acteurs expriment leur fin de non-recevoir aux solutions préconisées. Peut-être faudrait-il rappeler que les négociations doivent associer la résistance irakienne, lui permettant ainsi de se dégager de ses alliances utopiques, nostalgiques et compromettantes ? Or, le gouvernement désigné, intégre principalement des hommes acquis à la métropole - nous utilisons à dessein ce terme consacré de la colonisation - alors qu'il doit susciter l'émergence des forces nationales, portés essentiellement par la dynamique interne. Mais ne faudrait-il pas encourager ce gouvernement à élargir la participation et à servir de relais aux différents courants politiques, évitant ainsi tout ostracisme néfaste.   

 

28 juin 2004 : Transfert du pouvoir aux Irakiens. Une opération quasi confidentielle, qui s'est déroulée deux jours avant la date annoncée officiellement. Il fallait prendre de vitesse la résistance nationale, susceptible d'engager des opérations d'envergure, à l'occasion de "la cérémonie" du recouvrement de la "souveraineté". Le départ de Bremer, non concrétisé par une réhabilitation de l'Etat irakien, se réduit à un changement de titulaire. Etat hors normes, l'Irak est privé des compétences élémentaires de la souveraineté. Il ne dispose même pas de son autonomie interne. D'autre part, le choix du personnel gouvernemental irakien - il serait hasardeux de parler de ministres, vu les limites de leurs compétences, dans le contexte de l'occupation - consacrait l'emprise de la coalition. 

 

Pour le gouvernement américain, il s'agissait d'effectuer une opération symbolique, pour ménager l'opposition internationale et atténuer la colère de son opinion publique. Il comptait partager le lourd fardeau de la sécurité, en tentant d'impliquer l'Otan et de mobiliser des troupes irakiennes, pour limiter "les pertes"américaines. Mais cette mise en scène théatrale n'est pas en mesure de ramener la paix et d'assurer la sécurité. Les faits sont tétus. D'autre part, les autorités américaines ne semblent pas disposées à abandonné le commandement des troupes et la direction des affaires, en Irak. Le multilatéralisme n'est pas à l'ordre du jour.

 

2 juillet 204 : Deus ex machina, grande opération médiatique, l'ancien chef d'Etat irakien, Saddam Hussein est traduit, le 1er juillet 204, devant le Tribunal Spécial Irakien (TSI), instance judiciaire créée par le défunt Conseil Transitoire (CGT). Livré en catastrophe au nouveau gouvernement, mais laissé sous la garde de la coalition, Saddam Husseein devait participer à la mise en spectacle de la fin de son régime. A quoi cela servirait de ressusciter, pour la démonstration, un acteur mis en hors jeu; par la défaite de ses troupes, mort politiquement, depuis qu'il a cessé de gouverner. Les peuples réclament des jeux, disaient les potentats de Rome. Mais, il s'agit, dans ce cas d'espèce d'un long cycle tragique, inauguré par une prise arbitraire du pouvoir et clôturé par un affontement inégal, suite à une fausse appréciation des rapports de forces. Saddam a, ainsi, sacrifié son peuple, par un acte d'autorité téméraire, en le livrant à un combat dont l'issue ne pouvait qu'être désastreuse. D'autre part, son entrée en guerre en Iran, en 1980, soutenue par une alliance effective mais non revendiquée, par ses adversaires d'aujourd'hui et son invasion arbitraire du Koweit, le 2 aout 1990, devait soumettre le Moyen-Orient, par la tentative d'effectuer un re-équilibrage des forces, bouleversant les équilibres fondateurs. Ces prétentions de la puissance régionale devraient servir, en fin de compte, les intérêts de ses rivaux, qui saisiraient cette opportunité pour imposer autoritairement leurs vues. De ce point de vue là, l'ancien régime irakien a des compte à rendre à ses citoyens. 

 

Mais l'organisation hâtive du procès, dans le cadre d'un régime de transition, non souverain d'après les normes établis, réduirait l'opération judiciaire à un expédient politique.  Or, l'exercice de la justice  nécessitait la conjugaison de conditions spécifiques et d'abord un contexte de paix civile, un référentiel constitutionnel non équivoque et une indépendance que le contexte irakien ne peut assurer. Fait d'évidence, le peuple irakien a plutôt besoin de panser ses plaies, de reconstruire son unité, de restaurer sa souveraineté et de réaliser les conditions de sa renaissance. Laissons donc à l'histoire le soin de juger tous ceux qui ont participé à ces cycles de tragédies irakiennes.

 

Conclusion : Comment conclure cette chronique d'une guerre qui ne se termine pas ? Le discours officiel américain, relayé par les inconditionnels de la guerre des civilisations et certains alliés "indigènes", évoque le recouvrement de la souveraineté nationale, l'édification  d'un régime de libertés et la responsabilisation de la société civile.  Mais la dure réalité corrige le slogan politique. La "souveraineté" irakienne reste atypique, dans la mesure où elle fonctionne, dans le cadre d'une situation de dépendance, confortée par une armée d'occupation. Fait d'évidence, l'équipe irakienne, porté aux devants de la scène, est sérieusement handicapée par un lourd déficit de légitimité populaire. Dans l'état actuel des choses et en attendant l'organisation d'élections, ils ne peuvent se prévaloir d'un mandat quelconque de représentation, condition sine qua none de la souveraineté.

 

Comment peut-il convaincre et persuader, attester sa crédibilité, alors que sa gestion gouvernementale ne peut pas assurer aux Irakiens, les conditions d'une vie décente, où ils bénéficient de leur droit à la sécurité, à l'autodétermination, à l'exercice de leurs libertés, à leurs choix  géopolitiques, c'est-à-dire la définition de leur destin. En attendant la réhabilitation des infrastructures  étatiques et sociétales, la remise en marche des équipements de base et la réparation des réseaux d'eau, d'électricité et de gaz,  le peuple irakien peine pour survivre. Cette mise à l'épreuve quotidienne ne peut guère être occultée par une déclaration d'indépendance, fêtée quasi confidentiellement. La gouvernance étrangère et la gestion directe des principales compétences de l'Etat, consacre le statut d'indigénat, d'une souveraineté virtuelle sinon nominale. 

 

Autre fait incontestable, le règlement de la question irakienne dépendra essentiellement d'une reconstruction de compromis national. L'actualité politique atteste l'existence d'une résistance populaire d'envergure, qu'on ne peut réduire à des interventions de forces terroristes exogènes. La tournure des événements a certainement favorisé un mouvement d'appel des désespérados de différentes obédiences, y compris vraisemblablement des différents groupes de la mouvance d'el-Kaïda. Mais les analystes avisés font valoir l'importance primordiale de la résistance nationale irakienne, sous-estimée à dessein par les analystes de la coalition. La situation sur le terrain montre d'ailleurs une conjugaison des différentes forces hostiles à l'occupation, des nostalgiques baathistes aux nationalistes tous azimuts. Certaines forces exogènes agissent, vraisemblablement sur le terrain. Le soutien de certaines forces internes leur est acquis, dans le cadre d'une alliance de fait avec l'occupant. La solution irakienne dépendra donc d'une réconciliation nationale, incluant tous les acteurs irakiens.. Elle nécessite donc  l'ouverture d'urgence du dialogue, avec tous les partenaires de la scène irakienne, pour l'identification des solutions de sortie de la crise. Dans ces conditions, le retrait des troupes d'occupation et la condamnation des solutions de désespoir telles que le scénario passéiste intégriste ou l'arrangement ethno-religieux, peuvent constituer des préalables au ralliement général.

 

Mais l'ouverture de la Boite de Pandore ne limite pas ses effets au champs irakien. Elle a consolidé l'expansionnisme israélien, dans le cadre du nouveau rapports des forces, qui se propose de redessiner la carte géopolitique d'un "grand Moyen-Orient". La scène arabe toute entière est, désormais, l'objet d'un  redéploiement des forces exogènes et d'une politique volontariste de mise en dépendance. Notre nouvelle chronique aura, pour objet, l'étude des effets de la nouvelle conjoncture sur la géopolitique arabe. 

 

Khalifa Chater.

(El-Manar, 4 juillet 2004)

 

 


 


[i] - Voir les nombreux arrétés pris par Paul Bremer, ré-organisant le système financier et économique, abolissant les droits de douane, décrétant la privatisation de 200 entreprises publiques in "Let's all go to the yard sale", The Economist, Londres, 25 septembre 2003.

[ii] - Discours du Président Bush, 6 mai, 2004.

[iii] - Voir le rapport d'Antonio Taguba, publié in dossier "la torture dans la guerre", Le Monde, traduction David Boyle, 9 - 10 mai 2004, pp. IV-V.  

[iv] - Des extraits du rapport ont été publiés par Le Wall Street Journal, sur son site internet, le 7 mai 2004. Voir Le Monde 9-10 mars 2004.

[v] - Mis en demeure par le Parlement, Tony Blair fut plus prompt à présenter ses excuses pour les sévices infligés aux prisonniers en Irak, le 9 mai 2004.

[vi] - Voir l'article pertinent de Michel Guerrin et Corine Lesnes, "Le numérique et Internet bousculent le Pentagone", in Le Monde, Paris, 14 mai, p. 4.

[vii] - Déclaration citée par la dépêche de Reuters de Jérusalem. Voir La Presse de Tunisie du 24 mai 2004.

[viii] - Etat donné par le Ministère irakien de la Santé et rendu public par les chaînes de télévision arabes, le 24 mai. 

[ix] - Zbigniew Brzezinski, Le vrai choix, l'Amérique et le reste du monde, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Michel Bessières, Ed.. Odile Jacob, Paris, 2004.

[x]- Ibid. Voir la présentation de Daniel Vernet, In Le Monde des Livres, 28 mai 2004.

[xi] - Robert Kagan, Le revers de la puissance, Les Etats-Unis en quête de légitimité, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fortunato Israël, Plon, Paris, 2004.

[xii] - Lewis Lapham, L'Amérique bâillonnée, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laurent Bury, Ed.. Saint Simon, Paris, 2004. Voir aussi son précédent livre, critiquant les néo-conservateurs américains, Le Djihad Islamique, Saint Simon, Paris, 2004

[xiii]- Sacrés Américains, éd. Michalon, Paris 2004.

 

[xiv] - L'Irak, le terrorisme et l'empire américain,  traduit de l'anglais (Etats-Unis) par William Olivier Desmond, Le Seuil,  Paris, 2004.

 

[xv] - Les guerres scélérates,  traduit de l'anglais (Etats-Unis) par P. Delifer et L. Périneau, ed. Parangon, Paris, 2004. Voir, pour de plus amples renseignements, l'étude consacrée à la question in Le Monde des Livres, 28 mai 2004, p. VII.

[xvi] - Publié par le Washington Post, dans son site : www.washingtonpost.com. Voir  la traduction des conclusion, In Le Monde, 21 juin, 2004, "Verbatim", p. 3.

[xvii] - Révélations du New York Times, 14 juin 2004.

[xviii] - Voir le texte intégral de la déclaration, publié in Le Monde du 17 juin 2004.