Le cheminement de l’idéal républicain à travers l’histoire

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Professeur Khalifa Chater

 

  

Fait incontestable, l’idéal républicain n’a jamais été dans l’histoire contemporaine tunisienne l’objet de revendications formelles. Par contre, la praxis politique tunisienne l’a fait valeur et mis en application, lors de l’insurrection de 1864, la résistance à l’occupation et la lutte nationale. Décalage volontaire entre le discours et l’action politique sur le terrain, la définition des objectifs in fine sont suggérées, plus qu’énoncées dans la stratégie progressive du Néo-Destour. De fait, la praxis politique tunisienne anticipa la conceptualisation et la théorisation des options idéologiques, en attendant l’avènement de conditions favorables à la mise en exécution du programme implicite, tacite et inexprimé. L’exploitation de la conjoncture, le mûrissement de l’idealtype, permettent l’engagement de l’action politique, sans empressement et sans précipitation. L’avènement de la République tunisienne, le 25 juillet 1957, se réalisera, dans ces conditions, tirant profit de la discréditation du régime beylical au cours de la lutte nationale et de l’habilitation du mouvement national, comme acteur principal sur la scène politique.

I- Des repères historiques : L’étude de la genèse de l’idéal républicain, à travers l’histoire tunisienne, n’est pas aisée. Fallait-il la remonter à la « république » de Carthage et à la constitution qui l’aurait conceptualisé ? Une telle thèse supposerait l’existence d’une continuité historique, fondatrice d’un patrimoine institutionnel, enraciné et enrichi, durant les différentes ères de notre histoire. Fait d’évidence, les traditions séculaires de la Tunisie, n’ont pas intégré, la «mémoire» des institutions carthaginoises, romaines, vandales et byzantines, qui ont régi les régimes politiques qui se sont succédé durant l’antiquité. La « rupture» historique induite par la conquête musulmane (le Fath) a bouleversé la donne, introduit un nouveau système de gouvernement, doté d’institutions spécifiques. L’entrée de la Régence de Tunis, dans l’aire ottomane - le deuxième Fath, selon le terme consacré de nos historiographes - a adapté les institutions gouvernementales, dans le cadre du sultanat-califat. Dans la Régence de Tunis, les beys mouradites puis husseinites n'étaient, du fait de leur statut générique, que des gouverneurs de provinces, détenant une délégation de pouvoirs du sultan ottoman. En dépit de cette «titulature mineure», ils exerçaient des prérogatives absolues sur leurs sujets. Par un subterfuge juridique, ils confortaient certes la ratification de leur nomination par le sultan, par une cérémonie officielle de reconnaissance de leur accession au pouvoir (la bayaa) par l'Establishment dynastique et charaïque, les fameux Ahl al-hal wal akd, ceux qui ont le pouvoir de délier et de lier, c'est-à-dire, les hommes influents du pouvoir et du conseil du charaa, élargi formellement et éventuellement aux délégations des communautés. Mais cela relève plutôt du système symbolique, de la lettre sans son esprit, c'est-à-dire la représentation qu'elle implique. Ayant évoqué devant le bey le mot liberté, l'influent secrétaire du bey, l'historien Ben Dhiaf, qui inaugurait sa carrière au sein de la cour, fut sévèrement réprimandé. Il a pêché, par anachronisme historique, vraisemblablement sans d'ailleurs prendre conscience de l'effet induit par le concept.

Nous remarquons donc que le mode de gouvernement qui prédomina, dans les dynasties qui se sont succédées, dans la régence de Tunis, depuis lors, ne faisait pas valoir l’idealtype républicain, concept anachronique à l’époque et qui ne faisait pas partie de la grille des valeurs en cours. Ce qui n’excluait pas la définition, par certains oulémas, du « gouverneur juste », selon les normes de la morale musulmane et des modèles consacrés de la période fondatrice de l’Islam.

II - Les réformes constitutionnelles (1857 -1861) : Les réformes constitutionnelles (1857-1861) devaient induire un re-examen des institutions politiques tunisiennes et une prise en compte conséquente des théories et concepts de la pensée libérale et de l’idealtype des Lumières qu’elles ont mises en exergue. Le renouveau de la pensée politique de l’intelligentsia tunisienne devait introduire les nouveaux concepts politiques, définissant les différents régimes et les modes de gestion qu’ils instituent. Ces réformes ont été certes recommandées par les puissances européennes, dans le cadre de la volonté d'ouvrir la Régence de Tunis, au commerce international, durant l'ère précoloniale. Mais elles furent assumées, revendiquées et défendues par l'école réformatrice, dans la mesure où elles correspondent à l'idéaltype des Lumières.

a) Le Pacte Fondamental : Promulgué le 9 septembre 1857, au cours d'une cérémonie solennelle. Il s'agissait d'une déclaration des droits des sujets du bey et de tous les habitants de la Régence : sécurité pour tous, égalité devant l'impôt et devant la loi, principe de l'organisation du service militaire. Fait important, le Pacte Fondamental institue des tribunaux commerciaux et criminels mixtes et accorde le droit de propriété aux étrangers. Il confirme la liberté commerciale. L'establishment religieux trouva les clauses égalitaires, conformes aux normes de la religion. Mais certains privilèges, accordés aux colonies européennes les inquiétaient car ils ont instauré de meilleures conditions à l'expansion commerciale et à la pénétration économique. Par contre, les réformateurs faisaient valoir l'entrée du pays dans l'ère libérale.

b) La constitution de 1861 : Promulguée en janvier 1861, elle parachevait ces réformes libérales et semblait mettre fin à la monarchie absolue. Notons que la constitution tunisienne occultait la notion essentielle de la représentation nationale et qu’elle rejetait les modalités électorales, favorisant la désignation du fait du prince et le tirage au sort des membres du Conseil Suprême. Ben Dhiaf notera, à juste titre, que la liste des notables désignés membres de l’assemblée, était formée de personnalités nées à l’étranger, à l’exception de l’officier Hassen Magroun de Msaken, de l’italien Joseph Raffo et de lui-même. Dans la pratique, le Conseil Suprême devait consacrer le monopole acquis par les mamelouks, aux dépens des hommes du crû. Malgré ses imperfections, La constitution de 1861 favorisait une certaine participation des élites au contrôle de la gestion des affaires publiques et plaçait au-dessus du bey, une assemblée investie d'une autorité souveraine. Bien que suspendue par le bey, à la suite de l'insurrection de 1864, elle eut un grand pouvoir symbolique, puisqu'elle devint l'ultime référence du mouvement national tunisien.

c) La contestation populaire des réformes constitutionnelles : On a hâtivement considéré la manifestation de Tunis du 30 septembre 1861 comme une opposition délibérée aux réformes constitutionnelles, puisqu’on demandait au bey le rétablissement de son «lit de justice» et qu’on critiquait les nouveaux tribunaux crées, dans ce cadre. En réalité la contestation concernait davantage la consolidation du pouvoir des mamelouks et la soumission du gouvernement aux volontés des consuls, aux profit de leurs nationaux, durant cette ère précoloniale. Fait important cette première manifestation avait l’ambition d’ériger la population tunisienne en acteur sur la scène tunisienne. Cette présentation des doléances au bey marquait l’émergence d’une expression populaire tacite. L'insurrection populaire de 1864 (contre les exactions fiscales et contre le monopole du pouvoir exercé par les mamelouks, aux dépens des Tunisiens de naissance) devaient révéler cette souveraineté populaire en puissance. Pour la première fois, dans la Régence de Tunis, une contestation remettait en cause le pouvoir du bey et son Establishment mamelouk et créait un pouvoir alternatif, sinon «une république» formelle. De ce point de vue, cette situation était peut être plus conforme à l’esprit qu’à la lettre de l’idéal républicain. On pouvait, en tout cas, parler d’une souveraineté populaire en gestation, selon le modèle endogène,

II - «L'idealtype des Lumières» et son adoption comme idéologie de progrès : Nous empruntons ce concept, tel qu'il est défini par Max Weber, pour appréhender la démarche de l'intelligentsia éclairée, qui a défendu et légitimé les projets de modernisation engagés par l'Establishment tunisien. «L'idealtype, précise Max Weber est un tableau de pensée; il n'est pas la réalité historique ni surtout la réalité authentique, il sert encore moins de schéma dans lequel on pourrait ordonner la réalité[1]».

a) L'approche des réformateurs tunisiens : Dans le cas des réformateurs tunisiens, l'idealtype des Lumières définit un projet de société, un objectif à atteindre. Une telle construction idealtypique nourrit des espoirs, définit des objectifs, engage une nouvelle lecture du référentiel et remet en cause la pensée dominante. Il constitue ainsi une force agissante bien réelle.

Revenons au concept des Lumières. Pour l'intelligentsia tunisienne et arabe, il dépasse la définition consacrée “qui désigne le XVIIIe siècle, en tant que période de l'histoire de la culture européenne, marquée par le rationalisme philosophique et l'exaltation des sciences, ainsi que par la critique de l'ordre social et de la hiérarchie religieuse[2]”. Les réformateurs tunisiens, qui n'ont pas eu l'opportunité de lire les œuvres des philosophes des Lumières, n'ont qu'une connaissance schématique de la pensée du XVIIIe siècle (rationalisme, progrès,  tolérance, liberté, rejet de la monarchie de droit divin, séparation des pouvoirs, égalité, etc.). Mais les voyages fréquents qu'ils ont effectués dans certains pays européens et les relations des consuls et des commerçants européens ont contribué à la construction d'une vision idéalisée, confortée par les résultats spectaculaires des armées européennes, lors des campagnes d'Egypte, de Turquie et d'Alger. Les nouveaux rapports de forces expliquent cette quête d'un modèle alternatif, outre-Méditerranée. Ce renversement de perspective, fut-il atténué par un judicieux travail de synthèse ! doit être apprécié, à sa juste valeur. Mais l'examen des écrits des réformateurs tunisiens montrent qu'ils sont attachés à l'esprit sinon à la lettre de la pensée des Lumières, ou plutôt qu'ils apprécient les conséquences de cette démarche sur le vécu de certains pays européens.

Notons cependant que dans le cadre de «l’emprunt à l’Occident», stratégie mise en œuvre par les réformateurs, le concept république, fut introduit dans les traités politiques tunisiens, comme mode de gouvernement possible. Prudence politique et ménagement des beys, les réformateurs tunisiens citèrent le système républicain, du bout des lèvres ou presque, puisqu’ils n’évoquèrent point son éventuelle application, comme alternative au pouvoir absolu. Ils préférèrent consacrer le concept «Constitution» et le défendirent comme clef de voûte du régime nouveau qu’il appelait de leurs vœux, à savoir la monarchie constitutionnelle. 

b) Le manifeste de Khéreddine (1867) : Acquis à cet idealtype des Lumières, Khéredine devint, du fait de son statut au sein de l'Establishment beylical, de son rayonnement et des enseignements de ses séjours à l'étranger, le chef de file de ce courant. Pour  réaliser l'idealtype des Lumières, Khéreddine affirme que la réforme du système politique, selon l'exemple européen, est une question essentielle:

“Pouvait-on acquérir les prédispositions requises (à notre promotion), sans réaliser l'avancée dans les connaissances et les conditions du oumran (développement humain) observées chez autrui ? Un tel progrès ne peut être obtenu sans réformes politiques, similaires à celles adoptées ailleurs et qui se fondent sur la justice et la liberté, qui sont les piliers de notre religion. Elles assurent la force et la droiture dans tous les Etats[3]”.

Pour légitimer ces réformes, Khéreddine affirme  que la consultation (choura) est un principe fondamental dans la chariaa et érige les élites (ahl al-hal wal akd), en contrepoids salutaire au pouvoir. “Sache, dit-il, que les âmes sont attachées par nature à la liberté et à la résistance à l'oppression des rois[4]”. A l'appui de sa thèse, son discours conjugue la lecture de l'histoire de l'Etat mohammédien, où il y puise des exemples, et la lecture d'œuvres musulmanes et européennes. Il privilégie ses références à Ibn Khaldoun et à son célèbre principe “l'oppression détruit le oumrane[5]”.

Dans cette perspective, les réformes politiques sont, d'après lui, essentielles pour créer le contexte d'un développement global, susceptible d'assurer la renaissance du monde musulman. Notons cependant que Khéreddine évite de marquer ses préférences pour un système politique donné, se bornant à faire valoir la nécessité, pour le souverain, de consulter les élites ((ahl al-hal wal akd) et d’assurer le gouvernement par des ministres, appliquant  des lois bien définies. Mais son attitude critique vis-à-vis de la monarchie absolue ne s’accommode pas du choix du régime républicain, qui aurait été d’ailleurs rejeté par l’Establishment qu’il servait.  

c- L’option politique de Ben Dhiaf : Ben Dhiaf représente «l'intellectuel organique», qui fera valoir son adhésion à l'idealtype des Lumières, dans l'exercice de ses fonctions de Bach-Kateb (ministre-rédacteur auprès des beys régnants), alors que les réformes étaient à l'ordre du jour. Après avoir participé à la rédaction des textes fondateurs du régime constitutionnel, il prend ses distances et se retire des instances gouvernementales, consacrant son temps à la rédaction de son œuvre historique[6] ou il explicite sa pensée libérale.  

Définissant, dans ses prolègomènes, les différents régimes politiques, Ben Dhiaf distingue le despotisme, le pouvoir républicain et la monarchie constitutionnelle.  Rejetant les régimes absolus et républicains, il exprime ses préférences pour la monarchie constitutionnelle.  Tout en affirmant « les bienfaits du régime républicains pour la majorité et l’élite», Ben Dhiaf n’osa pas transgresser les us et coutumes, faisant valoir l’inexistence d’unrégime républicain, en terre d’Islam». Mais sa relation historique évoque avec une certaine compréhension la remise en cause du pouvoir monarchique husseinite, lors de l’insurrection de 1864. Ce qui lui permet de nuancer les postulats de sa pensée politique, à la lumière des événements, dans une défense effective des valeurs proto-républicaines.

III – La lutte nationale, expression des valeurs républicaines : Le Protectorat, qui a coexisté avec un monarque asservi, aux pouvoirs affaiblis, a institué le statut d'indigènes aux sujets du bey, appelé pompeusement «le possesseur» du royaume de Tunis. L'occupation du pays et l’asservissement qui s'en suivit, devaient susciter, après les épreuves de la résistance, une prise de conscience des élites.

Parallèlement à leur engagement politique, les Jeunes Tunisiens (1906 - 1912) qui se considéraient comme les continuateurs de Khéreddine et adaptaient son programme aux conditions du Protectorat, prirent le flambeau de la contestation du régime du Protectorat. Fut-il modéré, leur journal le Tunisien devint l’expression de la défense des intérêts des habitants du pays, leur restituant la parole, pendant cette ère de domination.

 Abdel Aziz Thaalbi, qui participait à la mouvance des Jeunes Tunisiens fut le fondateur du Destour (1920), se référant à la première constitution tunisienne. Réclamation prioritaire, le rétablissement de la Constitution de 1861 devait assurer la restauration de la souveraineté tunisienne et faire valoir la représentation politique de son peuple. Annonçant le programme du Destour, La Tunisie Martyre, œuvre de Thaalbi, rédigée vraisemblablement en collaboration avec Ahmed Sakka, demande que le pouvoir tunisien soit restauré, selon les principes de séparation des pouvoirs, entre l’exécutif détenu par les beys husseinites, le législatif exercé par un conseil suprême (10 nommés par le bey et 60 élus) et un pouvoir judiciaire indépendant. Point de discours républicain, on opte délibérément pour une monarchie constitutionnelle. Fait novateur à signaler, le traité conjugue les dimensions beylicales et populaires de la souveraineté. La représentation est bel et bien évoquée, corrigeant les insuffisances de la constitution de 1861 qui constituait le modèle identifié.

La création du Néo-Destour, par la scission de jeunes, formés au collège Sadiki et dans les universités françaises (1934) inscrivit également son action, dans la défense de la Constitution de 1861, porte-étendard du libéralisme politique générique. Il se distingua par un élargissement de ses assises et une volonté d'appui de l'élite engagée sur le mouvement populaire. Habib Bourguiba évoquait cependant, à maintes reprises, qu’il était nécessaire d’accorder « la grande la réforme qui a toujours été réclamée par le peuple tunisien », à savoir « la substitution au régime despotique, basé sur le bon plaisir, d’un régime constitutionnel et démocratique qui permette au peuple de participer au pouvoir, de prendre une part active dans la confection des lois et dans le vote du budget» (Paris, 25 août 1936). La revendication fut reprise par le congrès national du Néo-Destour, le 30, 31 octobre, 1er et 2 novembre 1937, qui fit valoir la nécessité de mettre sur pied «un gouvernement démocratique issu du peuple et jouissant de la confiance des masses tunisiennes». Il faut prendre la mesure de cette affirmation solennelle de la souveraineté populaire, source de légitimité. Mais le discours politique ne transgressa pas le tabou, en remettant en cause le régime beylical, alors que cette question ne constituait pas la priorité du moment. Rappelons que la manifestation d’avril 1938 privilégia le slogan : «un parlement tunisien, un gouvernement national», dans le cadre du souci de restaurer la souveraineté populaire. L’avènement de Moncef Bey qui prit fait et cause pour la revendication nationale suscita un rapprochement entre le palais et les organisations populaires. L’abolition du baise-main annonçait une mutation significative du régime. Il fut rétabli par son successeur. La destitution de Moncef Bey à la suite de la restauration du pouvoir français, en 1942, discrédita son successeur Lamine bey, longtemps considéré comme souverain illégitime. Il y eut certes un rapprochement de Lamine Bey avec le Néo-Destour, lors de la première phase de la lutte nationale, mais l’atmosphère de bonne entente ne résista pas à l’épreuve des faits, puisque le bey prit ses distances, en acceptant les réformes Mzali/Voizard, en 1954. Durant la conjoncture des négociations (1954 - 1956), l’unité fut apparemment rétablie. Mais le Bey et le Néo-Destour était sur leurs gardes, dans le cadre de cette recomposition du paysage politique, bien que les instances du Néo-Destour et Habib Bourguiba lui-même affichaient officiellement leurs options en faveur de la monarchie   constitutionnelle.

Conclusion :    Est-ce à dire que la proclamation de la République, le 25 juillet 1957, fut un coup de théâtre, un acte imprévisible, une initiative soudaine ? Nous ne le pensons pas. Dans la stratégie du leader Habib Bourguiba, toute décision doit être prise à son heure. De fait, la proclamation de la République était la conséquence logique de l’évolution du régime politique tunisien. L'Establishment traditionnel et son appareil makhzen furent éclipsés par la prise de pouvoir de l'équipe de l'indépendance. Transgression salutaire, le nouveau régime, dont les assises populaires sont incontestables - l'indépendance étant assumée comme la victoire de tous - institue désormais « la valeur république » en tant que principe de légitimité. L’indépendance tunisienne clôt définitivement l'ère de sujets, mineurs par définition, d'un Etat-dynastie et ouvre les horizons d'une citoyenneté responsable, au sein d'un Etat de Droit. La proclamation de la République assurait, évidemment, par «une prise de conscience sui generis, des bénéficiaires, la possession de droits qu'ils ne détenaient qu'en puissance avant le passage à l'état politique». Les constituants ont pris acte de cette évolution des choses. Ils assumèrent courageusement leur choix, qui conforte et redéfinit l'ère nouvelle.

Pr. Khalifa Chater

La Presse de Tunisie, 25 juillet 2007.
 

 


 

[1] - Max Weber, De l'objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales (1904), p. 176.

[2] - Voir la définition  in CD-Rom Encarta 2000.

[3] - Khéreddine, La Moukaddima, traduction personnelle, d'après le texte arabe. Ibid., pp. 95 - 96.

[4] - Ibid., p. 116.

[5] - Ibid., p. 99.

[6] -Ahmed Ibn Abi Dhiaf (vulgo Ben Dhiaf), Ithaf ah lez-Zaman, bi Akhbar moulouk Touns wa ahd el-Aman.